A l'aube d'une Eire nouvelle
Jeudi 31 mai
Notre séjour en Irlande du Nord s'achève, place à une Eire nouvelle, nouveau territoire à explorer pour notre plus grand plaisir. Mais pour le rejoindre, nous devons effectuer aujourd'hui une grosse journée de transfert entre Derry et Adare d'abord, puis entre Adare et Doolin. Ces noms ne vous disant probablement rien, la succession des trajets évoqués par la suite témoignera pour nous de la longueur du parcours couvert. Notre premier bus démarre à 7h15. Peu avant et pendant une quinzaine de minutes, nous tentons en vain de récupérer la caution laissée pour notre chambre. L'auberge est en effet située dans un bâtiment distinct de la réception et il a fallu laisser une garantie financière pour être sûr que l'on rapporterait les clés "oui, oui, même à 6h45". Mais on a beau sonner ce matin, tambouriner aux carreaux pendant 15 minutes, aucun signe de vie. Nous "postons" donc les clés dans la boîte aux lettres et faisons une croix sur notre caution. Après tout, nous n'allons pas rater notre bus pour 10 pounds ! Heureusement par contre que nous n'avons pas dû laisser le passeport comme certains jours précédents ...
Ce premier véhicule quitte rapidement le Royaume-Uni pour entrer en Irlande. Une nouvelle fois, la frontière n'est absolument pas matérialisée et le changement de pays est donc imperceptible. Le paysage n'a rien de vraiment atypique : il n'est que succession de champs ou de prairies avec un très bref passage de collines pour que l'on ne s'endorme pas totalement. A Sligo, sur la façade atlantique, le bus s'immobilise pour changer de chauffeur comme régulièrement au cours de nos déplacements. Nous avons le temps de sortir nous dégourdir les jambes et tenter de glaner quelques informations horaires au guichet de la compagnie. Rien de bien nouveau mais elles confirment celles que nous avions prises sur internet et qui dataient de 2010 ... Au moins, nous savons que nous pouvons nous y fier.
Ayant récupéré notre nouveau chauffeur, nous repartons avec le même véhicule en direction de Galway. Le seul fait "marquant" est le passage par un aéroport au milieu de nulle part. La tension est par contre assez forte aujourd'hui parce que jusqu'à Adare, nous n'avons qu'un quart d'heure de battement à chaque correspondance. Si on en rate ne serait-ce qu'une, c'est la promesse d'une belle journée de galère pour avoir le bus qui nous conduira ce soir à Doolin et dans le meilleur des cas, c'est le sacrifice d'Adare, la seule visite de la journée.
13h. Malgré les embouteillages lors de l'entrée sur Galway, nous parvenons à l'heure au terminal. Notre second bus va nous conduire sur Limerick. Maintenant qu'il est parti, nous avons le droit de récupérer un peu avant le prochain sprint. Une fois n'est pas coutume, nous pique-niquons en roulant car nous n'aurons pas de pause avant le milieu d'après-midi.
A peine une heure plus tard, nous atteignons cette nouvelle cité et sautons de suite dans le bus pour Adare. Il était temps parce que celui-ci ne tarde pas à partir pour un trajet d'à peine plus de 20 minutes. La chance nous sourit une nouvelle fois, d'abord parce que toutes les correspondances se sont bien enchaînées alors qu'elles étaient serrées, d'autre part parce que la pluie qui n'a cessé de tomber depuis Derry, s'interrompt lorsque nous parvenons à destination.
Adare, c'est une petite ville dont la rue principale ressemble à un petit village celte d'irréductibles Gaulois : tous les toits des habitations sont en chaume. Un vrai site de caractère mais qui n'en perd pas le nord puisque l'intérieur de chacune d'elles est occupée par une boutique.
Nous sommes ravis de marcher un peu après toutes ces heures de transfert. Aussi poursuivons-nous la visite du lieu avec deux sites religieux : un monastère et son cloître puis une église. Tous deux présentent des éléments architecturaux qui rappellent le style château de l'université de Belfast avec des briques dans un autre ton.
Il ne nous reste qu'une poignée de minutes. Nous sommes déçus parce qu'Astérix et Obélix ne sont pas venus nous saluer. Nous ne devons pas être au Parc Astérix ? Et puis il y a cette crise subite qui prend Laëtitia sans prévenir. N'étant pas préparé, je ne sais comment la sortir de cette situation : elle m'annonce qu'elle a besoin de faire du shopping ! Laëtitia ... du shopping ... Deux mots aussi incompatibles que blanc et noir, petit et grand. Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Si, je sais ! Jusqu'à présent, elle était parvenue à me masquer les premiers symptômes mais elle n'arrive plus désormais à contenir cette frénésie qui s'empare d'elle. C'est ma faute, elle m'avait prévenu qu'il fallait se coucher avant 22h30 hier soir ou que sinon ... Si seulement je l'avais prise au sérieux, on n'en serait pas là aujourd'hui ! Elle s'éclipse pendant que je tente d'évaluer le critique de la situation : c'est elle qui gère le porte-monnaie commun donc ça peut être risqué si la tension accumulée est vraiment forte. Comment réagir ? La raisonner ? Une fléchette hypodermique ? Lui arracher le porte-monnaie ? Le temps que mon neurone se décide, elle ressort avec deux magnets. Ouf ! C'est un moindre mal. Ne t'en fais pas je ne le raconterai pas à tes parents. Rassure-moi, ils ne lisent pas ce blog ? OUI ??? Alors heureusement que je n'ai pas abordé la carte postale ...
Après autant d'émotions, nous repartons en sens inverse vers Limerick. Sur place, nous avons une heure devant nous, suffisamment pour faire un rapide tour au centre-ville. Rejoignant la rivière Shannon qui le traverse, nous avons l'occasion d'apercevoir le château du roi John à l'horizon, une puissante forteresse grise dont l'origine remonte à environ 8 siècles.
De retour vers la gare routière, nous passons devant l'église dominicaine. Elle donne sur une placette où se dresse une horloge-colonne.
Nous en profitons également pour faire des courses ou plutôt Laëtitia en profite après avoir attaché ma laisse à un poteau. Je reste sagement là à garder les sacs et plus précisément à rechercher les clés de mon appartement. Non pas que j'en aie besoin à l'instant mais plutôt que je ne me souviens plus où les avoir mises. Poisson rouge quand tu me tiens ... Je retrouve dans cette exploration de mes affaires de nombreuses pièces en pounds, ultimes témoignages de ma fugue-shopping réussie du premier matin. Nos sacs remplis pour les prochains jours, nous faisons un ultime détour par un mignon parc à deux pas du centre-bus. De petits kiosques très ouvragés et une roseraie y font office de curiosités.
17h35, l'heure du thé pour la majorité ou de la fermeture des commerces. Pour nous, c'est plutôt l'heure de notre 5ème bus de la journée, le dernier. Celui qui va nous amener à Doolin, notre halte du jour, que l'on est désormais certain d'atteindre après 12h45 de voyage. La suite nous dira si cela en valait la peine.
Pour finir la journée comme elle a commencé et continué, nous nous offrons le luxe d'une dernière petite frayeur avec d'autres passagers. Nous atteignons la côte à Lahinch puis Liscannor, deux bourgs aux façades très colorées. Puis nous pénétrons dans un mur de brouillard si dense que l'on n'y voit goutte. La visibilité est au maximum de 10 mètres et encore, le bus est au ralenti, nous n'avons plus de repère par rapport à l'heure d'arrivée, ni par rapport aux lieux traversés. A peine repère-t-on le panneau "Falaises de Moher" où nous devons venir demain. Dans ces conditions, la route paraît longue, interminable presque. Et le trajet du bus nous paraît incohérent car au dernier moment on voit des panneaux se succéder : "Doolin 5km" puis "Doolin 7km". Nous en déduisons que quelque chose cloche (admirez la lucidité) et allons voir le chauffeur, peu rassurés comme les autres passagers-touristes. Celui-ci nous annonce qu'il va revenir à Doolin, le dernier arrêt. En fait, nous sommes en train d'effectuer une boucle dans les environs avant de prendre la direction du terminus. Etrange.
Pour que nous nous remettions de ces émotions fortes, le chauffeur demande à chacun où il va. Les passagers se dirigent vers deux auberges différentes à quelques centaines de mètres l'une de l'autre. Il a donc la gentillesse de déposer chaque groupe quasiment sur son palier. Notre hébergement de ce soir est un très bel édifice en pierre de taille. Nous prenons possession de nos quartiers surpeuplés et partons en cuisine préparer le repas du jour. Ce soir, je suis un pacha servi directement à table (Merci !). Nous avons tout ce qu'il faut pour cela car tous les ustensiles de cuisine sont à disposition des clients. Et après le repas et la vaisselle, j'initie ma coéquipière aux échecs.
Nous discutons également du parcours du lendemain. Ce qui est certain c'est que le dernier bus étant effectivement vers 13h40, nous ne pourrons pas aller aux îles d'Aran, ce que nous avions déjà constaté avec déception à quelques jours du départ. Nous nous concentrerons donc sur les falaises de Moher en croisant les doigts pour que la visibilité soit meilleure que ce soir.