Belfast, coeur d'Irlande du Nord

Lundi 28 mai 2012

Nous levons le camp ce matin dès 6h car nous devons rejoindre Beauvais d'où partira notre avion dans quelques heures. Heureusement, mon frère est là pour nous accompagner jusqu'à l'aéroport nous faisant gagner pas mal de temps, d'énergie et de sommeil. MERCI ! 1h10 plus tard, nous parvenons à destination après avoir pris un premier petit bol de verdure. C'est un peu la route des vacances que nous avons empruntée ou la route de l'Irlande, au choix. C'est la première fois donc que je pars avec quelqu'un d'extérieur à ma famille mais je sais Laëtitia très volontaire, impliquée, dynamique et surmotivée d'après ce que j'ai pu ressentir ces derniers mois et lors de nos ultimes échanges avant le départ. Je n'ai aucun doute dans la réussite du voyage mais je sais qu'il va falloir s'harmoniser dans l'allure et les souhaits. Et ayant cet avantage de connaître cette forme de séjour, je souhaite lui démontrer que tout peut se passer sans anicroche et que ce type de circuit peut être très enthousiasmant. Je ne croyais pas si bien dire à l'heure où je me posais ce "défi".

Beauvais, c'est la ligne officielle de départ. La voiture s'éloigne, nous sommes à présent livrés à nous-mêmes. Début d'un itinéraire vers de nouveaux horizons à la fois géographiques et intérieurs dans le sens où notre amitié va probablement s'approfondir. Dans les deux cas, la route n'est que partiellement tracée et c'est à nous d'être les acteurs de notre propre progression. Tout s'enchaîne avec fluidité pour le moment puisque nous ne tardons pas à enregistrer. Lorsque nous faisons la queue pour les contrôles, les animations s'enchaînent : un employé d'une boutique fait son one-man show et une menace d'évacuation de l'aéroport revient régulièrement si Mme Greene continue de délaisser sa valise. Quelle tête en l'air !

En attendant l'embarquement, nous définissons nos centres d'intérêt et notre parcours dans la capitale d'Irlande du Nord. Peu après, nous sommes au premier rang au moment d'embarquer, ce qui nous garantit une place au hublot à l'avant de l'appareil de Ryanair, là où nous souhaitions être positionnés.

Vers 9h30, l'avion quitte le tarmac. A bientôt la France, en avant l'Irlande ! L'oiseau de fer grimpe dans un ciel dégagé, le bonheur se rapproche lui aussi des sommets. 8 jours devant moi pour déconnecter totalement et me régaler des surprises d'un séjour inédit. Une poignée de minutes plus tard, nous repérons une immense ville au sol. Je reconnais l'O2 et Greenwich. Nous survolons Londres. Nous nous regardons interloqués : "ça signifie que la rivière de tout à l'heure c'était la Manche ???" A peine plus longtemps après, la terre d'Irlande pointe à son tour le bout de son nez. Après 1h30 dans les airs, elle est enfin là, la tant imaginée, attendue, espérée ... Les plans de ces longs mois se font réalité palpable.

Nos bagages n'étant pas très impatients de faire un tour de tapis roulants, ils nous font manquer le bus de 10h20. Peu importe, nous prendrons le suivant puisque le seul objectif du jour est de rallier Belfast et de la visiter. Première occasion de pratiquer notre anglais, Laëtitia se lance encore un peu hésitante pour une première. Mais l'essentiel est fait : oser s'investir même si l'on ne maîtrise pas totalement la langue de Shakespeare. Le premier pas est important, c'est lui qui donne la confiance en soi nécessaire à la poursuite du voyage et la progression va être à l'avenir plus que louable. Elle finira par comprendre quasiment tout et sera capable de se débrouiller seule à de très nombreuses reprises. Ca valait le coup d'essayer. Pour une prochaine, tu pourras me laisser au placard !

Grâce à ma coéquipière de choc et à notre organisation, nous parvenons à bénéficier des places du 1er rang. Tandis qu'elle réserve les places, je m'occupe de charger les bagages en soute. Ce partage des tâches sera toujours concluant par la suite car pendant mes quelques secondes d'absence, Laëtitia se procurera sans problème les billets auprès du chauffeur. Enfin sauf une fois mais c'est pour la fin...

Qu'il est drôle de rouler à gauche ! Ils sont fous ces Irlandais dirait un Gaulois un peu enveloppé. En attendant, c'est surtout impressionnant sur les ronds-points et les bretelles d'autoroute. Devant et sur les côtés défilent des paysages champêtres délimités par des cordons d'arbres. Au fil du temps, des collines arrondies se profilent à l'horizon, érodées par le temps et les intempéries : les Mourne Mountains. Leur vision délimite une frontière entre les deux Irlande que rien ne matérialise sur notre autoroute. Seule la valse des plaques d'immatriculation nous indique ce changement sinon imperceptible.

L'asphalte est rapidement avalé, à moins que cette impression ne découle de l'envie d'enfin lâcher les chevaux pour cavaler aux 4 coins de la ville à la découverte de ses principales curiosités. Le bus nous dépose en plein centre-ville, non loin de notre auberge de jeunesse : elle est à peine à 500m. Nous nous dirigeons vers elle pour y déposer nos sacs et ouvrons sa porte à 13h33 alors que le check-in débute à 13h30. Pas mal comme timing non ? Allégés, nous prenons la direction du Botanic Gardens pour un déjeuner dans la verdure et le calme. De nombreux scolaires passent devant nous avec l'uniforme. Ils portent une veste alors qu'il fait bien chaud. Les cours étant finis pour aujourd'hui, certains rentrent dans le parc pour se changer complètement et adopter une tenue largement moins formelle. Repus, nous partons découvrir les allées de cet espace agréable, dont les pelouses sont envahies de hordes de jeunes. Des parterres fleuris agrémentent quelques jardins, des serres abritent d'autres essences plus tropicales mais la roseraie ne tient que partiellement ses promesses alors qu'elle aurait dû dessiner une forme géométrique. L'une des serres est vraiment trop dure à supporter pour moi tant la moiteur y est accablante. Avant de fondre, je presse le pas vers la sortie. Poussant la porte donnant sur l'extérieur, je pénètre l'espace de quelques instants dans un univers presque froid alors qu'il doit faire pas loin de 25°. Voyage agréable de l'esprit et des sens sans avoir accompli plus de trois pas. Le retour à la réalité est quasi immédiat, ces instants de flottement évanouis.

Nous poursuivons notre découverte par le quartier du Queen's, l'université. Les bâtiments sont de style château, en briques rouges. Par leur beauté, ils suscitent notre admiration. Nous rentrons dans le campus, passons un porche et accédons à la cour intérieure. Etudier dans un tel cadre est une chance et un régal pour les yeux. Pelouses et allées divisent ce carré intérieur. Empruntant l'un de ces fils d'Ariane, nous entrons dans un bâtiment, une ancienne chapelle reconvertie où siège à présent Galilée.

Notre troisième destination est davantage excentrée mais n'en est pas moins un symbole de l'histoire mouvementée de cette région : nous nous rendons vers les murals, des fresques représentant des combattants politiques ou pour la paix. Celles-ci couvrent des murs sans interruption, serpent qui ondoie entre les quartiers protestants et catholiques, une bande-dessinée s'étalant dans les faubourgs. Le plus marquant est une double porte grillagée, fermée une partie de la nuit. Les plaies ne semblent pas totalement refermées et de telles tensions religieuses au sein même de notre continent sont frappantes !

Il y a tout juste dix jours, au cours de mon excursion majoritairement en Pologne, je mettais les pieds pour la première fois à Berlin. Comment ne pas faire aujourd'hui l'analogie ? Comment l'homme pourtant capable de monuments magnifiques peut-il se résigner à édifier des barrières aussi honteuses ? A l'heure où l'on bâtit l'Europe et où les frontières sont repoussées toujours plus loin, on accepte encore de tels fossés alors que l'idéal devrait être une plus grande tolérance envers l'autre et un oubli des différends passés. Tristes témoignages même si certaines représentations sont réussies.

 

Légèrement dépité par cette vision, je conduis Laëtitia (c'est moi qui ai le plan) vers l'Iceland, l'une des destinations que l'on n'avait pointée lors de la genèse de notre projet. Instants d'évasion vers un ailleurs lointain et clin d'oeil qui prête à sourire. Notre voyage sera sous le signe de l'humour ou ne sera pas. Je dois toutefois avouer pour le lecteur non averti qu'il ne s'agit malheureusement pas du pays mais d'une marque locale de supérettes. Même l'humour à ses limites ! Quelques pas plus loin c'est au restaurant "Berlin" que l'on peut se rendre.

Nous retournons vers le centre pour poursuivre la visite par une poignée d'autres sites d'intérêt ... ou pas. Dans cette dernière catégorie, je range la cathédrale Ste Anne qui est transpercée par une sorte d'aiguille à tricoter géante. C'est pour le tournage du prochain Twilight ou c'est l'architecte qui est complètement nul ? Lui succède une horloge de grande dimension, cousine de Big Ben : l'Albert Clock. Par contre, le monument a dû abuser de la Guinness parce qu'il penche légèrement. Laëtitia entreprend de corriger ce petit défaut en inclinant l'appareil. Quelle grandeur d'âme mais s'il te plaît épargne la Tour de Pise !

Nous atteignons la rivière Lagan devant laquelle se repose une immense statue de saumon. Non loin de là, deux édifices culturels de premier plan, le quai pour les ferrys et plus encore les chantiers navals Harland & Wolff d'où sortit un jour le Titanic. Un siècle plus tard, la ville vit toujours de son icône avec l'ouverture d'un musée qui lui est entièrement dédié. Nous préférons profiter d'une agréable petite promenade en bordure de la veine bleue et ressourcés, gagnons l'Hôtel de Ville.

Belfast Waterfront Hall au bord de la LaganCet édifice blanc aux dômes verts, aux faux airs de Capitole, est le lieu de prédilection de quelques citoyens en manque de verdure qui viennent se détendre, jouer ou contempler sur un écran géant l'avancée de la flamme olympique. N'ayant pas arrêté de marcher depuis l'auberge de jeunesse, nous nous octroyons une petite pause sympathique pour recharger les batteries. Les pieds nus rencontrent l'herbe, le temps s'arrête, l'instant est roi et nous isole de l'agitation urbaine autour de nous, comme si nous étions dans une bulle. Se poser et profiter, ça fait aussi partie d'un voyage vécu à fond dans la mesure où récupérer une poignée de minutes rend à nouveau plus réceptif à son environnement.

Hôtel de Ville

Nous achevons notre déambulation par les entries, de petites ruelles où les citadins se réfugient pour décompresser après leur journée de dur labeur. S'y trouvent des pubs et des curiosités cachées pour qui s'y aventure : là un poème sur un mur, ici une fresque, là encore un petit banc ou des plantes grimpantes.

Fresque dans une entry

Après avoir englouti tous ces kilomètres approche l'heure de se sustenter. La mission est toutefois bien plus complexe que nous n'aurions pu l'envisager de prime abord car la plupart des restaurants ferment tôt voire très tôt. C'est une leçon que nous retiendrons pour l'avenir : l'Irlandais doit prendre une soupe à 16h30 puis doit filer au lit ou ... au pub. Afin d'éviter de s'échouer dans un fast-food, nous fouillons la ville à la recherche de notre salut et finissons par dénicher un wok. Sauvés ! Après l'Iceland et Berlin, nous voici à présent prêts à embarquer nos papilles pour la Thaïlande ! Quand je parlais de voyage des sens il y a à peine quelques paragraphes ...

La journée se termine dans la bibliothèque de l'auberge de jeunesse pour des parties de cartes et de Uno. Bien que faisant équipe avec Molière, je me prends pâtée sur pâtée. Moi qui suit statisticien, je ne maîtrise plus les probabilités mais les défie : quelles étaient les chances d'enchaîner 14 défaites d'affilée ? Je pense que l'on aurait dû instaurer un contrôle antidopage. Ou alors le wok de Laëtitia contenait de la potion magique tandis que le mien n'était pas frais ? Après une telle Berezina, il ne reste plus qu'à gagner la chambre et se réfugier dans un sommeil réparateur en faisant profil bas. Après tout, chacun ses cartes de prédilection : Laëtitia, celles à jouer, moi celles pour s'orienter. Quoi que le Népal m'avait là-aussi donné tort à une seule reprise ...

Le bilan de ce premier jour est positif à mes yeux : c'était l'un des deux jours que j'attendais le moins et pourtant je suis plus que satisfait de ma journée. La machine est lancée, tout fonctionne bien pour le moment et le plus beau est encore devant nous. Ma coéquipière même si elle n'affiche pas encore une totale confiance en elle-même lorsqu'il s'agit de se débrouiller en anglais, compense par une énorme motivation, une sacrée bonne humeur et notre entente fonctionne très bien que ce soit pour le choix des sites à voir, du restaurant ou de l'organisation des prochaines journées (courses au supermarché par exemple). Quant à notre rythme, il est parfaitement homogène. Tout s'annonce parfaitement.