Le Connemara à vélo, ça s'arrose !

Samedi 2 juin

6h. Internet étant en libre-service, je me renseigne sur le parcours de demain car nous devons aller de Clifden à Cleggan à pied et y parvenir avant 10h30, heure de notre rendez-vous. Google Maps m'indique cependant 18km à l'aller et 14km au retour, les points de départ et d'arrivée n'étant pas les mêmes. Il semblerait qu'il faille un peu anticiper voire envisager un lever bien matinal...

Après un petit déjeuner copieux, mais alors vraiment trop, trop, trop consistant Clin d'œil, je pars digérer au cours d'une balade dans Galway. A cette heure-ci le quartier des pubs est désert en dehors de quelques agents municipaux qui arrosent les jardinières accrochées aux lampadaires. Je me dirige d'abord vers les vestiges du plus vieux bâtiment de la cité puis rentre par le port. Sur un mur, des tags illustrent brillamment la Volvo Race, une course de voile.

L'heure du lever officiel est atteinte. Il va falloir une bonne dose de courage pour s'arracher des bras de cette ville d'intérêt limité. Aussi nous retrouvons-nous rapidement à la gare routière. Le premier tiers du parcours est plutôt morne où alors c'est le désespoir de s'éloigner d'un pôle que ma coéquipière sait apprécier à sa juste valeur. Par contre, à partir de Maam Cross, nous entrons dans le coeur du Connemara. La route se faufile entre lacs et montagnes, landes et rhododendrons. Sous un ciel anthracite, le vert de l'environnement resplendit.

Après 1h30 de route, nous entrons à Clifden, la ligne de départ de deux jours attendus avec force impatience. Notre B&B se trouve toutefois à quelques encablures de là, sur une route de grande renommée touristique : la Sky Road ou Route du Ciel tant elle offre de beaux points de vue panoramiques sur les baies environnantes. Pour atteindre le ciel en question, il va falloir grimper sur une bonne partie de notre itinéraire, jusqu'à ce que la ville ne soit plus qu'un site lové au fond d'une vallée accueillante. Alors que nous approchons, nous passons devant deux châteaux (dans le genre châteaux vinicoles).

Devant notre hébergement du jour, nous marquons une pause et nous tournons vers le large. La vue est sublime : à nos pieds une baie magnifique dans laquelle s'enfoncent plusieurs bras de mer. Alternativement, des bouts de terre s'avancent au milieu des eaux, seulement colonisés par quelques habitations. Enfin, une poignée d'îles est dispersée dans le paysage. Un site extrêmement agréable et plaisant, reposant même.

Juste après avoir pris possession de la chambre, nous "négocions" le transport pour Cleggan le lendemain ce que nos hôtes, Frédérique et Charles, acceptent sans difficulté. Une épine en moins dans notre pied ... une sacrée épine ! Avant notre départ, j'avais convenu d'acheminer 2 vélos au lodge pour notre boucle de 75km dans la région mais il s'avère que chez le loueur c'est la grand-mère qui a réceptionné l'appel et qu'elle a oublié de transmettre le message. Qu'un loueur de cycle perde les pédales, c'est quand même un comble non ? En attendant qu'ils arrivent, nous présentons notre projet de balade à nos hôtes qui nous conseillent plutôt un parcours d'une cinquantaine de kilomètres le long du littoral sud du Connemara. "Vraiment ravissant" nous assurent-ils. Nous faisons le choix de les écouter et sortons une demi-heure sur la Sky Road pour profiter du cadre. Les transats au retour c'est juste pour se donner un genre, n'allez pas croire que notre séjour est de tout repos.

Chômage technique en pleines vacances

A 12h30, les vélos sont là et avec eux, la pluie. D'abord un crachin ou une bruine qui va rapidement s'amplifier jusqu'à illustrer l'expression anglaise "pleuvoir des chats et des chiens". Depuis Rathlin, nous aurions préféré des lapins mais bon passons ... Surmotivés par la perspective de ce tour attendu depuis si longtemps, nous décidons d'un commun accord de passer outre le caprice des éléments et de partir à la découverte de cette région à la forte notoriété chez nous Français. Nous retournons d'abord à Clifden pour passer à l'office du tourisme et récupérer une carte avec les itinéraires cyclables. La ville est parée de couleurs chatoyantes qui tranchent avec l'uniformité des cieux.

Après ce premier arrêt, nous empruntons une très belle route sinueuse entre massifs de rhododendrons  à gauche et un lac étiré sur la droite. Quelle vision !

Ayant enjambé un petit pont de pierre, nous obliquons à gauche vers Cashel et pénétrons dans un tout autre univers au sortir d'une mini-forêt : à perte de vue, tout n'est plus que collines rebondies, myriade de petits lacs, rochers, landes et prairies. Plus un seul arbre, ni même un arbuste. Un désert pour la végétation que seuls colonisent encore les herbacés. Au milieu de ce décor, une route qui serpente et nous deux, luttant contre un vent de face qui nous ralentit dans notre progression. La nature réclame son lot d'efforts pour se livrer sans fard, un modeste tribu au vu de l'émotion qu'elle nous transmet. Nous ne croisons quasiment personne et admirons dans les moindres plis de terrain les innombrables étendues lacustres de toutes tailles. Au fond, des montagnes aux formes douces barrent l'horizon, à demi voilées par l'eau se déversant sur nous. Si seulement j'avais placé des essuie-glaces sur mes lunettes ! Malgré cela, nous partageons côte-à-côte notre joie d'évoluer ainsi dans le Connemara, bonheur d'autant plus grand pour ma part que le cyclisme est mon sport favori. Alors le pratiquer avec ma meilleure amie, ici et maintenant, dans un cadre étranger ... En aucun cas je ne voudrais une autre coéquipière parce que, dans ces conditions, aucune ne pourrait être plus enthousiaste, dynamique et motivée. A s'en casser la figure pour un peu ... (les prémices d'un futur spectacle acrobatique ?)

 

Au bout de la route, nous tournons à droite pour accomplir une boucle. Ce faisant, nous ne tardons pas à rejoindre un littoral découpé et la charmante petite ville de Roudstone aux façades arlequins et au port de dimensions très réduites.

La route continue d'être vallonnée mais le vent est désormais un allié qui nous pousse. Les criques se succèdent. Nous passons dans le bourg de Ballyconneely évoqué dans la chanson des lacs du Connemara.

Ballyconneely

A l'occasion d'une micro-pause, la seule depuis Clifden que l'on se soit accordée sous cette pluie pour ne pas se refroidir, une voiture s'arrête à ma hauteur et me demande la direction de Roundstone. Ayant traversé ce bourg à vélo, je renseigne ses occupants. Ca fait la seconde fois du séjour que je guide des Irlandais, peut-être faut-il que je songe à ouvrir une agence touristique ?

De crique en crique

Laëtitia m'annonce un peu plus loin qu'elle commence à manquer de force dans les jambes et qu'elle montera probablement la dernière côte à pied. Je lui assure ne pas y voir d'inconvénient mais c'était sans compter sur la vaillance et l'endurance de la coureuse. Ainsi, après un nouveau passage entre le lac étiré et les bosquets de rhododendrons puis la traversée de Clifden, elle avale sans sourciller une côte sévère à 12 ou 15% où il est impossible de ne pas se mettre en danseuse. Alors manque de confiance en tes capacités ou mental et motivation de fer ? Sûrement un mélange des deux. Et pour te convaincre que notre rythme était excellent, il suffit de regarder la moyenne : nous avons fait notre boucle dans les temps annoncés malgré la pluie et le vent. Nous pouvons être fiers de notre parcours d'autant plus que nos hôtes nous avaient annoncés qu'"il y a deux jours de jeunes Italiens de notre âge ont fait ce tour et sont revenus lessivés". 4h de vélo et une joie bien plus durable.

Après une douche réparatrice et désirée celle-là, nous lisons un peu puis échangeons en attendant l'heure de dîner. Nous aurions souhaité voir le coucher de soleil dans une crique que Frédérique et Charles nous avaient indiquée mais il n'y a aucun espoir à entretenir de ce côté-là tant il pleut dru.

Vers 19h alors que nous nous apprêtons à manger arrive un couple qui loge également ici cette nuit : ce sont les Belges rencontrés sur le bateau retour des îles d'Aran, lorsque nous contemplions le dauphin faute de pouvoir accoster. Que le monde est petit ! Après notre repas dans la véranda ouverte sur la baie, nous nous installons tous ensemble dans le salon pour une conversation drôle et rafraîchissante. Le temps s'écoule rapidement entre plaisanteries diverses et variées, récits de voyage et conseils de visites. Un moment de détente super agréable...